La loi cadre
INTRODUCTOIN
I. GENESE DE LA LOI CADRE
- 1. La situation marginale de l’Afrique Noire
- 2. L’éveil des consciences des africains
- 3. Le contexte international
II. L’ADOPTION DE LA LOI CADRE
- 1. Objectifs de la loi cadre
- 2. L’application de la loi cadre
III. L’ATTITUDE DES LEADERS AFRICAINS FACE A LA LOI CADRE
- 1. Les partisans
- 2. Les adversaires
IV. L’IMPACT DE LA LOI CADRE SUR LES COLONIES
- 1. Les avantages
- 2. Les limites
CONCLUSION
INTODUCTION
Suite à la prise de conscience des africains après la seconde guerre mondiale, les élites politiques commençaient à piétine d’impatience et revendiquer légitimement des responsabilités accrues. Face aux multitudes revendications et de crises dans les colonies françaises, le gouvernement français se trouve dans l’obligation de réviser la constitution et d’adopter de nouvelles lois, particulièrement à l’endroit des colonies françaises. C’est dans ce projet de loi que naitra la loi-cadre. Votée par l’Assemblée nationale le 23 juin 1956, la loi-cadre pour les territoires d’Outre-mer marque en outre une étape capitale dans la décolonisation. Loi-cadre ou loi n° 56-619 du 23 juin 1956, dite aussi Loi Gaston DEFERRE, autorisant le gouvernement à mettre en œuvre les réformes et à prendre des mesures propres à assurer l’évolution des territoires relevant du Ministère de la France d’Outre-mer, est adoptée dur l’initiative de Gaston DEFERRE, Ministre français d’Outre-mer et maire à Marseille et Félix Houphouët BOIGNY, premier Président de la Cote d’Ivoire et maire d’Abidjan. On l’appelle « loi-cadre » car elle habilite le gouvernement à statuer par décret dans un domaine réservé en principe à la loi. Sur ce, quelles ont été les circonstances qui on prévalues à la mise en place de la loi cadre? Face à cette adoption, quelle sera la réaction des leaders africains ? Et enfin, quels furent l’impact de cette loi sur les colonies ?
I. GENESE DE LA LOI-CADRE.
- 1. La situation marginale de l’Afrique Noire
Jusqu’en 1944, l’Afrique Noire sous domination française n’était pas dotée d’une structure politique moderne. Seul le Sénégal était représenté par un député noir au parlement français, et seules ses quatre communes : Saint Lois, Dakar, Rufisque et Gorée avaient un conseil municipal élu. Sans doute, le chef de la France libre avait-il senti les risques de situation marginale dans laquelle l’Afrique était ténue depuis des décennies. C’est ainsi qu’il allait réunir, du 30 janvier au 8 février 1944, la conférence de Brazzaville en présence des gouverneurs généraux, des gouverneurs d’Afrique française, les observateurs d’Afrique du nord ainsi que du commissaire aux colonies, René Pleven. Les travaux de cette conférence furent essentiellement consacrer à dégager des réflexions sur la politique à suivre dans ces contrées d’Afrique comme le disait De Gaul dans son discours d’ouverture : « sans vouloir exagérer l’urgence des raisons qui nous pressent d’aborder l’ensemble des problèmes africains, nous croyons que les évènements qui bouleversent le monde nous engagent à ne pas tarder ».et même si le Générale De Gaul en janvier 1946, l’esprit de Brazzaville ne disparait pas pour autant. La constitution de la IVe République (27 octobre 1946), ont définit les rapports entre la Métropole et ses colonies devenues Territoires d’Outre-mer (TOM) sur une base pus « audacieuse » du moins dans la forme, comme il est expressément stipulé dans le préambule : « La France forme avec les peuples d’outre-mer une union fondée sur l’égalité des droits et des devoirs, sans distinction de race et de religion ».
- 2. Eveil des consciences des africains
La vie politique se développa activement en Afrique Noire dès 1944. Le retour des tirailleurs africains démobilisés fut marqué par un incident grave, la mutinerie de Tiaroye en décembre 1944 où 35 tirailleurs révoltés furent tués. Mais se fut surtout la violence de la nouvelle presse qui échauffa les esprits : l’Afrique libre, Jeunesse et Démocratie proclamait à l’unisson : « le colonialisme est terminé », « le toubab (le blanc) a peur » ; la Communauté annonçait : « nous n’acceptons plus pour longtemps la domination européenne […]. Nous espérons que l’Europe tombera en poussière devant l’Afrique ressuscitée ». Cette presse saluait les progrès de la fédération panafricaine et les discours enflammés du futur leader ghanéen N’krumah ; ce dernier ne répétait-il pas que la libération et l’unité de l’Afrique devraient se faire contre les puissances impérialistes.
Au Sénégal, de partis politiques existaient déjà comme le Parti Socialiste Sénégalais, dont Mr Lamine GUEYE fit peu à peu son parti, le bloc africain. D’autres se créèrent : la vie politique y était d’autant plus active que l’on comptait en 1945 quelque 93.000 citoyens dont 57.778 à Dakar. Au Dahomey « le quartier latin de l’Afrique », la presse politique était particulièrement nombreuse et violente. Elle réclamait l’établissement d’un trusteeship de l’ONU voire l’indépendance. En juin 1946 fut crée l’Union Progressiste Dahoméenne, le premier d’innombrable parti à vocation électoraliste. En Guinée où il n’y avait pas d’évolués mais seulement « quelques milliers d’évoluant », ceux-ci développaient un racisme noir. Le communisme y eu immédiatement un grand succès, grâce à ses assurances doctrinales et à ses promesses et les violences commencèrent dès octobre 1945.
En Cote d’Ivoire, l’action politique naquit spontanément chez les planteurs africains qui s’étaient regroupés dans un syndicat agricole africain, crée en juin 1944. Celui-ci était dirigé par une puissante personnalité, le Dr Félix H BOIGNY, chef coutumier et riche planteur. Elu député en 1945, il fonda en 1946 un Parti Démocratique de Cote d’Ivoire (PDCI) dont le programme était clair : « l’Afrique Noire en Marche. Au Cameroun où des incidents graves avaient éclaté en septembre 1945, une Assemblée représentative fut mise en place en octobre 1946. Le mot magique d’indépendance y était souvent repris. Il en est de même au Togo où le Ewés, partagés en 1919 entre les mandats britannique et français, ne cessèrent de faire appel à l’ONU et aux Américains. La création d’une Assemblée représentative permis à son Président, Sylvanus OLYMPIO, d’utiliser cette tribune pour accroitre l’influence de son parti.
- 3. Le contexte international
Plusieurs évènements ont été à l’origine de l’adoption de la loi-cadre ou loi Gaston DEFERRE de 1956. En effet, l’ONU dès sa création en 1945, offre très vite une tribune aux revendications fondées sur le droit des peuples à l’autodétermination. Aussi, l’Eglise catholique avait déjà depuis 1954, plaidé en faveur de l’autonomie politique des peuples coloniaux. En outre la conférence de Bandung en 1955 qui réunissait les pays non-alignés ; l’inquiétude générée par l’insurrection camerounaise de mai 1955 ; la débâcle militaire française en Indochine (Diem-Bien Phu) en 1956 ; l’indépendance du Maroc et de la Tunisie les 7 et 20 mars 1956 ; en hiver 1955-1956, la guerre d’Algérie prend une tournure dramatique avec la confirmation d’un engagement militaire total ; et surtout l’échec franco-britannique en 1956 dans le Canal de Suez …. Tous ces évènements qui, par ailleurs, ont été à l’origine de l’adoption rapide de la loi-cadre, nous laisse entrevoir que cette loi a été commandée face aux urgences qui se présentaient.
II. L’ADOPTION DE LA LOI CADRE.
- 1. Objectifs de la loi-cadre
Dix ans après le vote de la constitution de la IVe République, deux ans après la guerre d’Algérie et à peine un an après la conférence de Bandung, le gouvernement français décide d’abandonner les vieux principes d’assimilation. Il fait voter à une majorité de 477 voies sur 99 le projet de loi-cadre. Cette loi du 23 juin 1956 accordait d’abord le suffrage universel et le collège unique à tous les territoires d’Afrique Noire et de Madagascar elle prévoyait la réorganisation des gouvernements généraux c’est-à-dire l’amoindrissement de leur pouvoir, la création des « conseils de gouvernement » élu et l’extension des compétences des Assemblées territoriales élues. Bref la loi créait les exécutifs dans les territoires d’Outre-mer et augmentait les pouvoirs du législatif local. Enfin, la loi-cadre posait le principe de l’africanisation des cadres, sous couvert d’une réforme des services publics et de la création des « cadres territoriaux » gérés par les autorités locales ; elle s’engageait aussi à favoriser le développement économique et le progrès social.
- 2. L’application de la loi cadre
Le 20 juin 195, l’Assemblée Nationale adopte le texte définitif de la loi cadre qui sera promulguée le 23 du même moi. Des décrets d’applications de cette législation seront approuvés par le parlement français et promulgués le 4 avril 1957. Après quoi, la loi-cadre entrera en vigueur. On peut résumer ainsi les dispositions essentielles de cette législation dans les territoires d’Outre-mer par :
- L’aménagement de la fonction publique par l’africanisation des cadres en vue de ‘’ permettre aux africains d’accéder à tous échelons de la hiérarchie administrative’’.
- L’instauration du suffrage universel et l’adoption du collège unique pour que le paysan noir puisse ‘’au même titre que le diplômé, exprimer son opinion ‘’. Les femmes et les hommes pourront désormais voter à l’âge de 21ans.
- L’extension des attributions des Assemblées territoriales, notamment en ce qui concerne la possibilité de légiférer sur des sujets locaux. Ainsi, il a été établi dans chaque territoire un gouvernement dont les Ministres ont été désignés par l’Assemblée territoriale. Néanmoins, les pouvoirs de ce gouvernement sont limités par les compétences déléguées au chef de territoire.
- La mise en œuvre d’une politique de développement économique dans le monde rural par la création des caisses de stabilisation ou par l’attribution de crédits pour encourager les cultures vivrières.
Tels sont les traits fondamentaux de la loi cadre qui furent plus ou moins mis appliqués pour la nouvelle gouvernance dans les territoires d’Outre-mer. Cependant, bien de divergences de conception sur les rapports franco-africains vont animer les controverses dans les journaux des deux camps adverses : celui des partisans de la loi-cadre et celui des adversaires.
APPLICATION DE LA LOI-CADRE AU BUKINA FASO : les premières élections sont organisées le 31mars 1957. A l’issue de ces élections, les principales responsabilités sont réparties comme suite :
Le premier gouvernement dirigé par un voltaïque est formé le 17mai 1957 et comporte outre des éléments du PDU (Parti Démocratique Unifié), des Ministres du MDV (Mouvement Démocratique Voltaïque). L’assemblée territoriale comptait 70 membres qui portent le titre de ‘’conseillers territoriaux. |
III. L’ATTITUDE DES LEADERS AFRICAINS FACE A LA LOI CADRE
- 1. Les partisans
Parmi les fervents partisans de la Loi-cadre, il va de soi que le chef RDA (Rassemblement Démocratique Africain), qui a concouru à l’élaboration des textes de la Loi-cadre, doit défendre avec ardeur son œuvre des attaques des ‘’ Senghoristes’’. Il mène ainsi du 26 avril au 22 mai 1956, une campagne de propagande en Côte d’Ivoire au cours de laquelle il s’efforce d’expliquer aux populations les avantages économique, politique et social que leur apportera cette législation. Tous ses discours s’articulent autour de trois thèmes essentiels: la fraternité entre Africains et Métropolitains, le maintien de l’Union française et le rejet catégorique de l’idée d’indépendance. Sur ce, il affirmait : « la Loi-cadre concernant les TOM due à la généreuse initiative de mon excellence ami Gaston Deferre, avec qui j’ai le plus vif plaisir de collaborer, constitue dans son ensemble institutionnel, politique, économique et social, une réelle promotion pour l’Afrique.
En plus de Boigny, le Sénégalais Lamine GUEYE pense aussi la France doit au plus vite réaliser l’union franco-africaine. Il invitait de ce fait les Africains à accepter cette idée. Il va même affirmer ceci : « quand nous venons dire, d’après de la Loi-cadre, que nous estimons qu’une nouvelle étape doit-être franchie, dans le même esprit d’amitié et d’accord avec la France. On nous répond : ‘’vous êtes des perturbateurs’’. Alors, je demande à ceux qui travaillent dans ce sens de comprendre que ce n’est pas la meilleure façon de servir la France. »
- 2. Les adversaires
Se place en tête des opposants à la Loi-cadre le leader Sénégalais Léopold Sedar Senghor dont l’itinéraire politique et intellectuel diverge de celui de Félix Houphouët Boigny. Poète et intellectuel mûri dans la culture française, Léopold Senghor n’était pas tenté au début de sa vie par la politique. Ce n’est qu’en 1945, que le parti socialiste sénégalais l’a choisi en même temps que Lamine Gueye pour représenter le Sénégal à la première Assemblée Nationale Constituante. En 1947, les socialistes perdent le Ministère de la France d’Outre-mer qui passe aux mains du Mouvement Républicain Populaire (MRP). La compétition est donc ouverte entre la SFIO et le MRP qui tentait d’attirer vers lui les élus africains. Alors, Senghor va crée son parti : le Bloc Démocratique Sénégalais (BDS), faisant de lui un rival de Lamine Gueye son compagnon de lutte. Si Félix Houphouët Boigny a fait son entrée au gouvernement français en 1956, Senghor avait, bien avant participé à des cabinets français au titre de Secrétaire d’Etat. Lorsque les décrets d’application de la Loi-cadre sont approuvés au parlement français, le journal, L’Unité publie un article de L.S. Senghor englobant tous les aspects de la Loi-cadre. Le leader y dénonce le caractère ‘’balkanisateur’’ de cette loi, car les mesures de décentralisation et de déconcentration ne peuvent qu’accélérer la désagrégation des solidarités fédérales et enrayer le développement économique de l’Afrique. Il met en garde les députés africains, notamment les houphouëtistes, contre ce danger de désagrégation de l’Afrique, car pour Senghor, ‘’avant de réaliser la «communauté française », il faut d’abord réaliser la « communauté africaine ».
Tout comme Senghor, le Dr Raseta de Madagascar pense que : «la France, dans sa Constitution, entend conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de s’administrer eux-mêmes. Elle n’a jamais respecté ce principe […], elle nous a octroyé unilatéralement la Loi-cadre, loi qui a pour but de perpétuer le colonialisme et d’abuser du monde de la prétendue générosité de la France envers ses colonies.
Quant à l’UGTAN (Union Générale des Travailleurs d’Afrique Noire) : « la Loi-cadre est une mystification, une façade qui ne trompe personne; elle a pour seul but de nous diviser, de masquer et de perpétuer le Régime coloniale ». Pour elle, cette loi aboutira à la balkanisation de l’Afrique Noire, chose qui entrainera la rupture de l’unité des travailleurs.
IV. L’IMPACT DE LA LOI CADRE SUR LES COLONIES
- 1. Les avantages
Quoi qu’on en dise sur la Loi-cadre, admettons qu’elle a eu un impact très bénéfique dans les différentes colonies. En effet, même si la loi avait introduit une semi-autonomie dans le territoires d’Outre-mer, elle a cependant permis un rapprochement plus considérable entre les leaders politiques et la population. Elle a permis à la population d’être associée étroitement à la gestion de leurs propres affaires.
Dès lors, les gouvernements généraux disparurent au profil de « groupes de territoires », les grands conseils de fédérations furent maintenus, mais leur rôle ne sera pas essentiel. Inversement, les membres des « conseils de gouvernement», qui reçurent le titre de Ministres, obtenaient des pouvoirs réels, à parité avec les représentants du pouvoir central. Les « conseils de gouvernement » restaient présidés par les gouverneurs devenus « chefs de territoires » ou en leur absence par le vice-président, le conseiller africain élu en tête.
- 2. Les limites
Ce qui a été une faiblesse de l’application de la Loi-cadre fut cette ambiguïté dans son mode d’approche au niveau des différentes colonies africaines. De ce fait d’aucun n’hésiteraient de dires qu’il y avait ambiguïté dans la Loi et le degré d’application : en effet, l’Assemblée territoriale (représentation locale) est subordonnée à celle de Paris. Aussi, elle ne peut pas s’opposer ou contrôler le pouvoir exécutif. Le principal danger est que la Loi-cadre s’adressait de façon individuelle aux colonies, ce qui entrainer, comme le disaient les opposants ci-dessus cités, à la division des africains.
CONCLUSION
En somme, nous pouvons, au terme de notre étude, retenir que dix (10) ans après les réformes de 1946, l’impatience des élites africaines conduisit la France à préparer l’acheminement des populations de l’Afrique et de Madagascar vers la libre disposition de leurs propres affaires. Des urgences politiques extérieures en faisaient aussi nécessaire, d’où l’application d’une loi dénommée « Loi-cadre » ou « Loi Gaston Deferre ». Avec cette loi, la France entait dans une ère nouvelle : de facto, le fédéralisme s’était introduit dans les institutions, même si Paris refusait ostensiblement que cette transformation devint constitutionnelle. Quant aux africains, divisés sur la loi, ils étaient pourtant unanimes à ne pas voir dans ces réformes de structure qu’une étape : l’autonomie de territoire devant déboucher sur l’indépendance ou la constitution d’un Etat fédéral.
BIBLIOGRAPHIE
- Ø Charles-robert Ageron, La décolonisation française, Paris, Armand Colin, 1991-1994, pp : 143-147
- Ø Capt. Bognessan Arsène Ye, 1986, Profil politique de la Haute Volta coloniale et néocoloniale, ou les origines du Burkina Faso Révolutionnaire, Ouagadougou, Nouvelle du Centre, 110p
- Ø Ibrahima Baba Kaké, 1989, Chronique de l’Afrique : de 1950 à 1989, éd AMI, 4e trimestre, pp : 62-65
- Ø Cours d’histoire de la classa de Terminale
- Ø INTERNET : www.google.fr
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