La place de la femme dans la société égyptienne
PLAN
INTRODUCTION
- I. LA CONDITION DE LA FEMME
- La femme dans la famille
- Les femmes au palais
- La femme et le droit égyptien
- II. LE ROLE POLITIQUE DE LA FEMME
- Les femmes pharaons
- Les reines
- III. LE ROLE RELIGIEUX DE LA FEMME
- L’image divine
- Les adoratrices d’Amon
CONCLUSION
INTRODUCTION
Dans l’état actuel de nos connaissances, il semble que la place faite à la femme dans l’Egypte antique (pré-hellénistique) peut paraitre surprenante de modernité si on la compare à celle qu’elle occupa dans une majorité de sociétés contemporaines et postérieures. Bien que l'homme et femme aient traditionnellement des prérogatives bien distinctes dans la société, il semble qu’il n’y ait pas eu de barrière infranchissable en face de celles qui désiraient s’éloigner de ce schéma. La société égyptienne reconnait à la femme, non seulement son égalité à l’homme, mais son indispensable complémentarité qui s’exprimait dans l’acte créateur. Ce respect s’exprimait clairement dans la morale et la théologie égyptienne, mais il restait certes assez difficile de déterminer son degré d’application dans la vie quotidienne des Egyptiens. Ainsi, la question qu’on pourrait se poser est : quelle était la place de la femme dans la société égyptienne pharaonique ?
Pour mieux appréhender le thème, nous verrons d’abord la condition de la femme dans la société égyptienne. Ensuite nous montrerons le rôle politique de la femme dans cette société. Enfin nous y évoquerons son rôle religieux.
- I. LA CONDITION DE LA FEMME
- 1. La femme dans la famille
Les filles égyptiennes se mariaient en général vers l’âge de douze, treize ans. Le mariage d’amour devait aussi exister, mais c’était le père qui choisissait le prétendent de sa fille, bien souvent dans l’entourage immédiat. Il n’était pas rare que les alliances matrimoniales soient contractées entre cousins, bien qu’il soit difficile de définir les liens et degré de parenté exacts. En effet, le terme de « sœur » était aussi utilisé pour designer l’épouse. Il semble que le mariage entre frères et sœurs de sang ne soit attesté qu’au sein de la famille royale. La monogamie semblait de règle, mais le chef de famille pouvait prendre des concubines et légitimer les enfants qu’il avait eus d’elles, si son épouse légitime ne lui en n’avait pas donnés. La polygamie n’était pas interdite mais elle était rare et semblait réservée aux puissants.
Une fois mariée, l’épouse devenait « maitresse de maison », mention qui précédait désormais son nom. Elle régnait sur la maisonnée qu’elle devait gérer avec l’aide des servantes et des esclaves. Elle accompagnait son mari à la chasse, à la pêche, l’aidait aux travaux des champs, tisse, chantait et dansait. La maternité était une des fonctions les plus importantes de la femme. Avoir des enfants était source de considération sociale. L’éducation des filles comme des garçons était confiée prioritairement à la mère durant les premières années.
La femme égyptienne vivait dans une société où les responsabilités principales étaient tenues, à tous nivaux, par des hommes. Elle n’était pas enfermée chez elle ou dans un harem, contrairement à la femme grecque. Les responsabilités nous la montrent boulangère, tisseuse, musicienne, danseuse, jardinière ou fermière. Bien que spécifiquement féminines, ces occupations lui faisaient une place dans la société ou elle jouait un rôle actif. Dans les classes supérieures, il était possible que ces femmes aient reçues un certain niveau d’instruction, et que la pratique de l’écriture ne leur fût pas inconnue, bien qu’aucune expression littéraire ou artistique égyptienne émanant d’auteurs féminins ne soit attestée. Elle ne pouvait accéder à la hiérarchie civile, mais à la Basse Epoque, les femmes purent occuper de hautes fonctions sacerdotales au sein du clergé d’Amon de Karnak.
- 2. Le Harem
Il s’agissait en fait d’une véritable institution qui avait ses revenus propres : terre, bétail, personnel administratif (scribes royaux du harem, serviteurs du harem, directeurs des femmes du pharaon, …) était en charge de cette institution. Il y avait plusieurs harems, au moins un à Thèbes et un à Memphis. Le roi était entouré d’une multitude de femmes ; lors de ses déplacements, il était sans doute suivi d’un « harem de voyage ». Le harem n’était pas un lieu de réclusion mais une véritable petite ville où tout le monde se côtoyait librement : reines, princesses, princes, enfants de l’aristocratie internationale et toute une armée de serviteurs qui vivaient dans la famille. Dans ce cadre, se déroulait une vie raffinée, l’éducation des princes et des princesses, l’adoption des petits captifs étrangers (comme Moise) et la pratique de la musique, de la danse, des langues étrangères occupaient une place de choix. Les dames avec leurs servantes pratiquaient le tissage à l’échelle industrielle. Les complots pour la conquête du pouvoir se tramaient immanquablement au sein du harem. C’est le cas du complot qui avait été organisé par une épouse secondaire dans la fin la fin du règne de Ramsès 3 pour faire couronner son fils Pentaour à la place du prince héritier légitime.
A l’instar de leurs mères, les filles du pharaon prenaient une place importante. Elles participaient à la continuité dynastique, jouaient un rôle religieux important. Jusqu’à sous les Ramsès, l’art leur avait réservé une place éminente. On connaît grâce à leurs statues et leurs représentations sur les temples. Elles étaient facilement identifiables avec leur mèche sur côté, le reste du crâne était rasé. Parfois, elles portaient en plus une ronde. Prenant souvent place auprès de leurs mères, elles participaient aux cérémonies religieuses en jouant de la musique sur les instruments rituels : le sistre et la menât.
- 3. La femme et droit égyptien
Le droit «égyptien indique clairement que la femme égyptienne détenait des droits égaux à ceux de son père, de son frère ou de son époux. Elle était propriétaire de ses biens propres et se voyaient reconnaitre des acquis, un droit sur les biens acquis en commun durant la période du mariage. Il lui était possible de mener seule sa propre affaire, de participer à des transactions économiques, d’hériter de propriétés, de posséder et de louer la terre et participer, en tant que témoin ou partie, à des affaires judiciaires. Elle pouvait aussi transmettre son patrimoine à la personne de son choix.
En se mariant, la femme égyptienne gardait son nom, au plus ajoutait-on « épouse de X ». Cela était d’autant plus naturel que le mariage semblait ne pas se traduire par une manifestation administrative ni par une manifestation religieuse ; il concrétisait souvent la volonté d’une femme et d’un homme de vivre ensemble, ce qui n’empêchait pas, et c’était d’ailleurs souvent le cas, l’existence d’un contrat de mariage au plan matériel. Comme le souligne Christiane DESROCHES NOBLECOURT : « Le mariage et éventuellement le divorce sont des événements sanctionnés uniquement dans l’atmosphère familiale par la seule volonté des époux, sans aucune intervention de l’administration. » Les futurs époux prononçaient les phrases : « Je t’ai faite ma femme. » ; « Tu m’as faite ta femme. »
La réalité était tout autre. Par sa position entre l’Asie et l’Afrique, l’Egypte de ces deux continents. Au plan physique, la femme était ainsi perçue comme inférieure à l’homme. Il était reconnu à l’homme marié d’avoir des relations sentimentales avec d’autres femmes qu’elles soient veuves ou célibataires. La femme mariée, au contraire, pour mieux assurer la société de la paternité réelle des enfants nés ou à naître, se devait d’être fidèle. Malheur à la femme adultère socialement réprouvée. Le viol, s’il était perçu comme répréhensible, dans le cas d’une femme mariée, ne semblait pas poser a priori de problème insurmontable.
- II. LE ROLE POLITIQUE DE LA FEMME
- 1. Les femmes Pharaons.
Dans la société égyptienne cette obligation du pouvoir au mâle n’était pas de rigueur ; le sang royale facteur d’une légitime divine devait être l’unique critère à l’accès au trône. Cependant, l’essence divine était transmise à l’épouse royale. Ainsi, les Egyptiens préféraient être gouvernés par une femme de sang royale (donc divin selon la mythologie) plutôt que par un homme qui ne le serait pas. En effet, lors des crises de succession, il arriva que des femmes prennent le pouvoir. A signaler que dans pareil cas, la pharaonne prenait tous les symboles masculins. A tel point, qu’il existait des doutes sur le sexe de certains pharaons qui pouvaient enfin être des femmes.
A la XVIIIème dynastie lorsqu’Amenhotep 1er mourût, son successeur Thoutmosis 1er n’était vraisemblablement pas son fils, à moins qu’il ne soit issu d’une épouse Secondaire du défunt pharaon ; si son épouse Ahmès était bien apparentée avec Amenhotep 1er, cette union lui permettait d’être légitime divinement. A la succession suivante, la princesse Hatchepsout, fille de Thoutmosis 1er et de sa Grande épouse royale, permettait à Thoutmosis II, fils d’une épouse secondaire et donc demi-frère de la princesse, de monter sur le trôle en l’épousant. Il n’était pas rare de voir dans l’Egypte Antique des femmes prendre le trône, comme l’avait fait Hatchepsout, qui prit la place de son neveux Thoutmosis III ou les Cléopâtres, dont la plus célèbre Cléopâtre VII (-69 à -30), célèbre pour sa beauté et ses amours avec César puis Antoine les chefs dont dépendait alors son trône. Parmi les femmes pharaons, les plus certaines et les plus connues on peut citer :
-Nitökris (VIème dynastie)
-Néferousébek (XIIème dynastie)
-Hatchepsout (XVIIIème dynastie)
-Ankh-khéperourê (XVIIIème dynastie)
-Taousert (XIXème dynastie)
Il est important de souligner que Hatchepsout et Taousert ont été traitées d’usurpatrices par la postérité.
Il faut aussi avoir à l’esprit le rôle considérable y compris politique et diplomatique de plusieurs grandes épouses royales.
- 2. Les reines
Mis à part les pharaons qui furent des femmes par exemple Hatchepsout et adoratrices d’Amon, on distingue trois états de reine :
-« La mère du roi », elle était très honorée mais venait en seconde position pour illustrer l’inexistence d’un matriarcat égyptien.
-« Les épouses du roi », à ce niveau, le souverain pouvait multiplier les mariages.
-On a « la grande épouse »qui était première dignitaire de l’état après son mari dont les enfants étaient en principe les seuls héritiers du trône.
La couronne nécret était une coiffure adoptée par les reines depuis la IVème dynastie. Elle était portée à l’origine par la déesse de Haute-Egypte Nékhbet. La couronne représentait un vautour à la tête dressée dont les deux ailes encadraient le visage. Les reines pouvaient porter aussi d’autres couronnes avec l’Uroeus ou le disque solaire, couronnes empruntées à d’autres divinités telles Hathor, Isis, Amon, Min. tous ces attributs tendaient à prouver le caractère solaire des reines et leurs assimilations à des déesses comme Hathor. Certaines représentations du Nouvel Empire montrent que le couple royal était interprété comme l’image terrestre du couple divin solaire « Rê-Hathor ». Lors de la fête, la reine Tiyi apparaissait derrière son époux Aménophos III « comme la déesse Maât auprès du dieu Râ ». Cette comparaison entre couple royal et couple divin atteignit son apogée avec le couple Akhenaton-Néfertiti. La belle Néfertiti était omniprésente près de son époux, pas du tout pour faire de la figuration mais pour participer à part entière au culte du dieu Aton. De même, les scènes de la vie privée où le roi et la reine étaient représentés tendrement enlacés avaient également une connotation religieuse : l’amour entre les époux royaux était une manifestation de l’énergie créatrice de démiurge et avait valeur d’exemple pour le renouvellement du monde terrestre. La reine pouvait aussi favoriser le rituel près de son époux accomplissant les rites, elle usait de son charme pour se concilier les dieux. Ainsi, l’union au divin, la légitimité au pharaon donnaient à la reine sa double nature divine et humaine. Hatchepsout et bien d’autres ont recouru à ce prodige pour légitimer leur prise de pouvoir.
- III. LE ROLE RELIGIEUX DE LA FEMME
- 1. Image divine
Dans l’abondance des divinités de la mythologie égyptienne, il existait de très nombreuses déesses comme se fut le cas en Grèce. Etudier leurs symboles nous renseigne sur l’image qu’avait la femme aux yeux des Egyptiens de l’antiquité. Comme les divinités Grecques, beaucoup étaient liées entre elles, par liens de sang ou maritaux, comme par exemple Isis et sa sœur Nephtys, toutes deux épouses respectives d’Osiris(le dieu des morts) et de Seth, eux même frères.
La femme et son image étaient le plus souvent associées à la vie et à la fertilité. Ce fut le cas de la déesse Isis, qui était associée à plusieurs principes : en tant qu’épouse d’Osiris qui fut tuée par son frère, elle renvoyait aux rites funéraires. En tant que mère, elle devenait la protection féminine, mais surtout la matrice, celle qui donnait la vie. A travers cette déesse, les principes de la vie et de la mort étaient étroitement liés. En effet, bien qu’elle soit associée aux rites funéraires, il faut se rappeler que le but de ces rites était d’éviter aux défunts de subir une seconde mort dans la dimension où il se trouvait, ce qui d’ailleurs expliquait la nourriture en abondance retrouvée dans les tombes par les archéologues. . D'autre part, la vie dans son aspect physique n'avait de sens que par la mort, car ces principes faisaient partie d'un mouvement de recommencement éternel qui était alors dans un sens plus spirituel, le mouvement de la vie, ou la vie éternelle ; l'un des symboles de la déesse était d'ailleurs le palmier, symbole de la vie éternelle : elle insuffla le souffle de la vie éternelle à son époux mort.
La déesse était représentative du regard associé à l'époque sur la femme, car ce qu'il fallait garder à l'esprit dans son image, c'était cette idée de vie éternelle et de maturité que reflétait Isis, vénérée comme Mère céleste (ce qui, au fil du temps fera d'elle la déesse la plus importante de la mythologie égyptienne, et portant même son influence sur les religions de différentes civilisations, où elle sera identifiée sous divers noms et où son culte se répandra, notamment dans tout l'Empire romain).
La notion de féminin se retrouve également dans les mythes et de légendes religieuses. Nout, participait au périple quotidien du soleil. A l’aube, elle mettait le soleil au monde pour l’avaler à nouveau le soir. Rê poursuivait alors son voyage à travers le corps constellé d’étoiles de la déesse et renaît chaque matin. Hathor participait au mythe de la destruction de l’humanité. Maât, symbole de la justice et l’ordre cosmique qui assurait la juste marche du monde. Isis, la grande magicienne, dont le rôle de mère et d’épouse dévouée était primordial dans la légende osirienne.
- 2. L’Adoratrices d’Amon
Entre tant d’images émouvantes que l’Egypte a laissées de la femme, on peut admirer au Louvre la sévère Karomama de bronze, au Caire une Amenardis d’albâtre et une Chapenoupet de granit. Ces hautes dames ne furent pas des reines ordinaires, elles étaient au temps des rois libyens, éthiopiens et saïtes, les « Divines d’adoratrices d’Amon », les vraies épouses de ce dieu (on disait aussi « la Main du Dieu », par référence à une vieille cosmogonie). Néfertari fut la première à exercer cette fonction liturgique qui consistait à stimuler le dieu Amon par de la musique, des danses sensuelles, des offrandes, des rites de purification et d’envoûtement.
Au Nouvel Empire des reines, épouses de pharaon et la mère de ses enfants, avaient été en même temps « l’Empire du dieu Amon » dans les rites mais, aux périodes postérieur, depuis le temps des rois prêtres, un usage d’origine incertaine voulait qu’une fille du roi fût spécialement consacrée comme « Epouse du dieu »et que cette adoratrice resta vierge. Cette tardive institution d’une théogamie au babylonien fut longtemps méconnu, en dépit du témoignage d’Hérodote. A la fin du Nouvel Empire, la divine adoratrice fut choisie parmi les filles du roi. Mariée au seul dieu Amon, elle restait alors célibataire et choisissait sa « fille »parmi les princesses royales.
Il est surprenant de constater que toutes les femmes qui marquèrent l’histoire égyptienne avaient été « épouses du dieu Amon » : Néfertani, Néfertiti, Hatshepsout et Cléopâtre.
Conclusion
Il ressort de cette étude que la femme égyptienne, comme dans toutes les sociétés antiques avait pour rôle de procréer, d’élever les enfants, de s’occuper du foyer. Toutefois, la femme égyptienne était l’égale de l’homme au regard de la loi. Elle pouvait avoir son propre patrimoine, et le gérer, elle pouvait divorcer, se remarier, intenter un procès, faire un testament. Le mariage n’était pas un acte administratif officiel ou religieux mais un contrat entre deux personnes, ainsi la femme gardait son nom et ses biens en cas de divorce. Au décès de son mari, elle gardait sa dot et héritait du tiers des biens de l’époux. La femme pouvait même accéder à la fonction suprême de pharaon telle Hatshepsout. Enfin, si dans la Cosmogonie le démiurge était généralement représenté sous un aspect masculin, les diverses cosmogonies égyptiennes se fondaient sur la complémentarité des deux sexes. Certaines déesses faisaient exception à cette règle.
BIBLIOGRAPHIE
- Desroches-Noblecourt, C., 1986, La femme au temps des pharaons, Paris, Stock.
- fbradu.free.fr/Egypt/SIXIEMES/society/societe.html 20h40 23/07/2012
- MONTET P., 1946, La vie quotidienne en Égypte au temps des Ramsès, Paris, Hachette.
- Muséum d'histoire naturelle, 1994, La femme dans l'Égypte ancienne, Muséum Colmar, Colmar.
- POSENER G., SAURENON S. et YOYOTTE J., 2001, Dictionnaire de la civilisation égyptienne, Paris, Hazan, 439p.
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