La santé en A.O.F.
INTRODUCTION
L’Afrique occidentale française (AOF) était une fédération groupant entre 1895 et1958, huit colonies françaises d’Afrique de l’ouest, avec l’objectif de coordonner une même autorité la pénétration coloniale française sur le continent africain. Constituer en plusieurs Etats, elle réunit à terme la Mauritanie, le Sénégal, le Soudan français (devenu Mali), la Guinée, la Cote d’ivoire, la Haute-Volta (devenu Burkina Faso) et le Dahomey (devenu Benin), soit près de vingt cinq(25) millions de personnes au moment de sa dissolution. L’histoire de la santé représente un vaste domaine d’étude qui commence à être exploré depuis quelques années. Ainsi, la question de la santé s’impose à nous dans cet ensemble délimité. Pour mieux appréhender cette notion de santé coloniale, nous avons structuré notre travail en trois grandes parties : d’abord le contexte et l’évolution de la santé en AOF, ensuite énumérer quelques pathologies spécifiques pendant cette période, et enfin les difficultés et les apports de la médecine moderne.
- I. CONTEXTE ET EVOLUTION DE LA SANTE EN AOF
- 1. CONTEXTE
Dans le continent africain, les populations ont pendant longtemps et toujours eu recours à la médecine traditionnelle, aux guérisseurs pour traiter leurs maladies. Si ces méthodes, ces procédés, ces incantations, ces pratiques ont pu enrayer certaines maladies, il est à noter que d’autres par contre n’ont pas pu l’être. Les grandes épidémies décimèrent les contrées à plusieurs reprises. A leur arrivée, les colonisateurs ne se sont pas intéressés à la médecine traditionnelle ou n’ont pas voulu la reconnaître comme une science à l’instar de la médecine moderne. En effet, pour eux, c’est une pratique de sorciers, de charlatans, de magiciens, ni plus ni moins aux connaissances empiriques, mais elle ne saurait être une science. En plus, pour les colonisateurs, la médecine traditionnelle ne dispose pas de méthodes scientifiques rationnelles. C’est ainsi qu’au XXe siècle avec la création de l’AOF et aux fins de répondre aux impératifs de mise en valeur et aussi de protection de l’élément européen, la France avait mis en place les bases d’une politique sanitaire dans les colonies.
Les priorités médicales furent d’abord centrées sur le développement de l’hygiène, le contrôle des grandes endémo-épidémies et la mise en place des structures sanitaires. Cela va bientôt s’accompagner de la structuration d’un système de santé.
- 2. EVOLUTION
En AOF, l’analyse historique des pratiques de la médecine coloniale indique la mise en place de structures sanitaires dès le début du XXè siècle. La création de l’inspection des services sanitaires de l’arrêté du 03 novembre 1904 marque la première phase d’organisation de la santé en AOF.
L’arrêté du 08 février 1905, en créant le service de l’Assistance Médicale Indigène(AMI), lui conférera la charge de dispenser à titre gratuit les soins médicaux aux populations africaines, des conseils d’hygiène, de répandre la vaccine et de promouvoir la protection maternelle et infantile. En 1906, le corps des ’’Aides Médecins Indigènes’’ est créé par le gouverneur général de l’AOF, Ernest ROUME. Il faut avoir un Certificat d’Etude Primaire et se former pendant 30 mois avant d’être affecté dans les services publics de l’assistance médicale indigène.
En 1909, l’Inspection des Services Sanitaires et Civiles créée en 1908 pour la prise en charge de l’AMI, des épidémies et de la vaccine, voit ses attributs s’élargir à l’hygiène et à la salubrité avant de prendre le titre d’Inspection de Services Sanitaires et Médicaux en 1913.
Après la grande guerre, l’œuvre sanitaire reçut une nouvelle impulsion avec la création en 1918 à DAKAR d’une école de médecine dont la vocation première fut d’offrir un cadre à l’instruction des médecins, pharmaciens, infirmiers et sages-femmes destinés à servir comme auxiliaires dans le cadre de l’Assistance Médicale Indigène en AOF.
La décennie 1930-1940 inaugure une nouvelle phase avec la mise en place d’une médecine de masse, préventive et sociale qui se substituera à la médecine individuelle et curative.
La deuxième guerre mondiale voit la réorganisation, le 18 juillet 1942 des Services de Santé de l’AOF désormais centralisés à DAKAR ainsi que la dissolution de l’Inspection Générale des Services Sanitaires Médicaux (dont les statuts n’étaient plus en phase avec les réalités de la guerre) transformés en Direction Générale de la Santé Publique. La même année fut créée l’Inspection Médicale des Ecole.
Au lendemain du second conflit mondial, les priorités sanitaires se recentrent sur la santé infantile (vaccination de masse, lutte contre la malnutrition et les maladies infantiles notamment la rougeole, la coqueluche) sous la pression d’une opinion internationale de plus en plus sensible au sort des populations des colonies et remettant systématiquement en cause la politique coloniale en matière de santé infantile. Durant cette période, une impulsion fut donnée à la recherche avec la création de structure de recherche à l’image de l’organisme d’Enquêtes pour l’Etude Anthropologique des populations indigènes de l’AOF en 1945 transformé en Organisme permanent de Recherche pour l’Alimentation et la Nutrition Africaine (ORANA) en 1952.
Quant à la lutte contre les grandes endémies, elle se renforce avec la mise en place, le 26 décembre 1957, de l’Organisation Commune de lutte Contre les Grandes Endémies(OCCGE).
- II. QUELQUES PATHOLOGIES SPECIFIQUES
- 1. LES MALADIES ENDEMIQUES
Une maladie endémique est une maladie qui sévit dans une région d’une manière permanente. Nous pouvons citer comme maladies endémiques en AOF :
-Le paludisme ou malaria : Véritable problème de santé publique, le paludisme est une maladie parasitaire transmise par les piqures de moustiques. C’est la maladie la plus répandue et la plus nocive avec une mortalité élevée.
-La fièvre jaune : terrible endémie sur les côtes occidentales africaines de Saint-Louis à Dakar jusqu’en Côte-d’Ivoire à Grand Bassam. Elle est due à un Arbovirus, le virus amaril, qui a été isolé en 1927 à la fois au Ghana et au Sénégal, à l’Institut Pasteur de Dakar. Le virus se transmet à l’homme par des moustiques du genre Aedes.
-Les maladies intestinales : ce sont des maladies microbiennes ou parasitaires : la dysenterie ; l’ankylostomiase ; la bilharziose et la filariose.
-L’Onchocercose : elle a pour foyer les marigots, les bords des fleuves (nakambé, sourou, cercle de bobo, fada etc.). En 1951, on dénombrait 200 000 onchocerquiens en AOF dont 100000 cas en Haute-Volta. En 1951 est crée une section onchocercose en qui met l’accent contre simulies (mouches). Les symptômes sont les suivant : Eléphantiasis nodule, trouble de la vue, diminution de l’acuité visuelle dés la fin de l’adolescence et cécité avant 30ans.
-La lèpre : En 1937 on comptait 41400 lépreux en AOF. A Bamako est créé un institut central de la lèpre sous la direction du médecin des troupes coloniales Robineau avec pour mission le dépistage et le traitement. En 1949, on comptait 34089 lépreux en Haute-Volta.
-La trypanosomiase ou la maladie du sommeil : c’est en 1901-1903 qu’a été découvert le trypanosome humain pathogène. Elle se manifeste dans les régions des fleuves, Niger et voltas, leurs affluents et en Haute-Volta, en pays bwa, lobi et moaga.
2. LES MALADIES EPIDEMIQUES
Une épidémie est une propagation subite et rapide d’une maladie infectieuse, par contagion, à un grand nombre de personne d’une région.
-La méningite cérébro-spinale : les facteurs de propagation sont : Le naturel (sécheresse des régions tropicales l’harmattan irrite les muqueuses nasales); facteurs anthropiques (manque d’hygiène de l’individu, insalubrité de l’environnement, la promiscuité de l’habitat, baisse d’immunité collective). Pendant la période coloniale on enregistre des cycles épidémiques de méningite en Haute-Volta :
-1919-1921 : cinq cent morts dans le seul cercle de Gaoua et quelque millier dans les autres.
-1937-1940 : violentes épidémies qui font 5000 morts dans le cercle de Tenkodogo sur 6000 cas.
-1945-1949 : Une épidémie au Niger, au Mali et en Haute-Volta et au Ghana. En AOF on signal 39768 cas, en Haute-Volta 13556 cas en 1945 dont 3391 morts.
-1956-1957 : Cycle le plus court mais d’une forte intensité meurtrière. On signale 16444 cas en Haute-Volta dont 2161 morts.
3. LES MALADIES IMPORTEES
-La syphilis, depuis la traite négrière elle est directement liée au milieu social, à la mauvaise hygiène et aux conditions de logements. Comme pour autres infections sexuellement transmissible, le risque s’accroit avec la prostitution et le tourisme sexuel.
-La tuberculose : on observe les premiers cas à Gorée et à Saint-Louis en 1880.
-La peste : en 1910 Calmette établit le rapport entre la contamination et l’émigration étrangère.
III. DIFFICULTES ET APPORTS DE LA MEDECINE MODERNE
- LES DIFFICULTES RENCONTRES
Elles se situent surtout au niveau des références culturelles. En effet, chaque société a ses rites, ses superstitions, ses règles et ses interdits vis-à-vis de la femme enceinte, les soins au nouveau-né, de la destination du placenta, du régime alimentaire de la mère et de l’enfant. Ainsi en 1939 Giordani écrit : « la grossesse étant considéré comme un état normal, l’indigène de nos colonies ne comprend pas que l’activité de la femme soit diminuée pendant cette période, pas plus où il ne comprend pas la nécessité de l’assistance d’un médecin au moment de l’accouchement ».
Au Niger dans les années 1930, la population musulmane refuse de confier à un médecin européen le soin d’examiner les femmes enceintes et de les accoucher. L’islam défend aux femmes de se montrer aux étrangers durant la grossesse et les 40 jours suivant l’accouchement car les esprits malfaiteurs sont à l’œuvre. Les concours du plus « beau bébé » organisé par la croix rouge en 1933 à Dakar et doté de prix attirent les animistes mais pas les musulmans qui sont convaincus « qu’être primé porte malheur à l’enfant »
Outre les références culturelles, le décès de certaines personnes vaccinées sous la contrainte nourri la méfiance populaire envers les méthodes françaises et contribua à alimenter certaines interprétations imputant ces morts d’Africains à une vengeance des vaincus des suffrages. La réaction de la population indigène face aux autorités prit diverses formes allant de la dissimulation des morts, au refus de se prêter aux actions médicales et à la résistance passive ou violente, aux mesures d’isolement et de dissémination militairement encadré.
- 2. LES APPORTS
Après 1950, la protection maternelle et infantile se modernise. Les centres sont créés dans les villes, le personnel compétant y est affecté. La protection des mères et celle des enfants enregistrent des progrès importants. Le programme élargi de vaccination initié par l’OMS renforce ces résultats. Au moment des indépendances, des dispositifs adaptés sont en place. On assiste également à une baisse de la mortalité qui entraine une augmentation de la population, l’éradication de certaines maladies comme la rougeole.
Sur le plan économique, cette croissance démographique va permettre des avancées notables dans l’économie. En effet, une population nombreuse constitue une main d’œuvre importante et par conséquent entraine l’augmentation de la production agricole. En outre une population nombreuse permet aussi de récolter d’énormes impôts et procure une main d’œuvre pour le travail forcé, les corvées.
CONCLUSION
Mise en place en 1895, l’Afrique Occidentale Française (AOF) avait pour but de faciliter l’administration coloniale pour une meilleure exploitation de celle-ci. SI la colonisation a été largement bénéfique pour le colonisateur, il n’en demeure pas moins qu’elle a eu des aspects bénéfiques pour les peuples colonisés. Ces aspects bénéfiques se situent sur le plan social en l’occurrence l’éducation et la santé surtout. En effet, en ce qui concerne l’ aspect sanitaire, l’action coloniale a été d’un grand apport, car elle a permis la mise en place du système sanitaire et d’hygiène venant à bout de nombreuses maladies, même si elle en a aussi apporté d’autres.
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