CLUB D\'HISTOIRE JOSEPH KI-ZERBO DE KOUDOUGOU

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Les chemins de fer en A.O.F.

 

INTRODUCTION

L’Afrique-Occidentale française (AOF) fut créée en 1895 avec l'objectif de coordonner sous une même autorité la pénétration coloniale française sur le continent africain. Elle était composée de  huit colonies françaises d'Afrique de l'Ouest tels que la Mauritanie, le Sénégal, le Soudan français (devenu Mali), la Guinée, la Côte d'Ivoire, le Niger, la Haute-Volta (devenue Burkina Faso) et le Dahomey (devenu Bénin). L’AOF ainsi créée allait orientée l’évolution économique, politique et sociale des territoires concernés. Pour une meilleure gestion des colonies il a fallu la mise en place d’un réseau de communication qui semblait nécessaire pour la jonction des différentes colonies, la circulation des produits, et du capital humain.  C’est dans cette optique que la construction de chemin de fer se présentait beaucoup plus que  nécessaire. Pourquoi et comment cette réalisation a été possible ? Quels ont été les principaux axes ferroviaires ? Quelles sont enfin les conditions de travail sur les  chemins de fer ?

 

                                         I -        DE L’INITIATIVE A LA CONSTRUCTION DES CHEMINS DE FER

 

1 -    Initiative

En Afrique Noire en raison des distances considérables les voies de communication jouent un rôle essentiel pour promouvoir le développement économique et culturel. Kipling, ce chantre de l’Empire britannique n’écrivait-il pas : « transports égalent civilisation ». En Afrique occidentale, l’implantation de la colonisation française s’opérait à partir de la côte. Comme l’observait Gallieni à la fin du XIXème siècle, « il s’agit de mettre sur pied un vaste plan de pénétration sur la base du principe : utiliser d’abord les moyen existants qui sont en occurrence des deux grandes fleuves : le Sénégal te  Niger ». Il ne s’agit pas d’un réseau, mais d’une série de voies de pénétration rudimentaires, à écartement métrique. Il s’agissait à l’origine des voies stratégiques, construites à peu de frais, souvent avec des profils difficiles se prêtant mal à un trafic important. On avait envisagé de joindre les ports au bief navigable du Niger.  Le plan Roum de 1904 avait prévu une grande transversale stratégique Est-Ouest. Le plan Sarraut de 1920 en reprend les idées essentielles : achevé le Thiès-Kayes et réaliser la transversale intérieure, que le chemin de fer du Togo rejoindra à Ouagadougou, celui de Côte d’Ivoire à Sikasso… mais les crédits nécessaires ne seront pas obtenu et, avec le développement de l’automobile, la conception qui présidait à ces plans perd sa signification stratégique aussi bien que son intérêt économique, en l’absence d’un marché intérieur intégré. Quelque temps plus tard, le ministre des colonies, Albert Sarraut proclama lui-même : « les voies ferrées doivent avoir pour objet d’amener vers les ports maritimes et de recevoir d’eux tout le trafic ».

 

 

2 -    La construction

Ce principe inspira la construction de chemin de fer qui devient ultérieurement le Dakar-Bamako. Ainsi fut construit d’abord entre 1880-1904 le tronçon Bamako-Kaye, les marchandises et les voyagères empruntaient ensuite le fleuve Sénégal et aboutissaient à Saint Louis. Ce trajet fluvial durait 15 jours, la jonction par voie ferré fut envisagée. Commencée en 1907, elle ne fut terminée qu’en 1923. Cette ligne Dakar-Niger était exploitée en régie. Seul le Dakar-Saint-Louis du Sénégal, construit également à la fin du XIXème siècle, fut employé par un concessionnaire jusqu’en 1933.

Conforment aux conceptions de Gallieni, la deuxième voie de communication  de Bamako avec l’océan était mi-fluviale, mi-ferroviaire : elle empruntait le fleuve Niger de Bamako à Kouroussa puis la ligne du chemin de fer dit Conakry-Niger construit de 1901-1912 (Conakry-Kankan, soit 661 km).

L’Abidjan-Niger a été conçu également avant 1914. Dès 1903, la mission du capitaine Houdaille proposait de fixer la tête de la ligne à Abidjan et envisageait le percement de la lagune qui ne sera réalisé qu’en 1950. En 1904, commence la construction du chemin de fer qui atteint Agboville en 1906 (83km) puis Dimbokro en 1910 (184 km) puis Bouaké en 1912 (318 km). Après une interruption due à la guerre, la ligne parvenait à Bobo-Dioulasso en 1933 (798km), Ouagadougou (actuelle capitale de la Haute Volta) est atteint seulement en  1955 (1054km).

Enfin, le Bénin-Niger est le moins long des quatre réseaux : il ne mesure que 438km et relie Cotonou à Parakou (également situé sur le territoire du Dahomey). Mais ce réseau intéressait le territoire du Niger car il était complété par le S.T.A.N.N (Service de Transport Automobile et de Navigation du Niger) qui, après une rupture de charge à Parakou, assurait le ravitaillement du Niger sur l’axe Parakou-Malanville-Niamey et transportait ses exportations (essentiellement des arachides) à destination de Cotonou. L’écoulement des récoltes du Niger oriental était assuré  d’autre part par les Nigérian Rail-ways. Ces quatre réseaux correspondaient à quatre régions : la région Dakar-Niger (Sénégal et Soudan), la Région Conakry-Niger (Guinée), la Région Bénin-Niger (Dahomey) et enfin la Région Abidjan-Niger (Côte d’Ivoire et Haute-Volta).

 

                                        II -       Les principaux axes ferroviaires en AOF

 

1 -    La région Dakar-Niger (Sénégal et Soudan)

Le chemin de fer du Dakar-Niger (D.N) est la première voie de pénétration de l’Afrique Occidentale au Sud du Sahara. Avec son prolongement naturel, le Niger, dont le bief central navigable pénètre à l’intérieur, il constitue un axe de transport de 2700 km de longueur entre Dakar et Ansongo.

Réduit à lui-même soit au trajet Dakar—Koulikoro (1288 km) , il constitue la plus importante relation ferroviaire de l’Afrique Noire Française. Il est un bon exemple de voies de pénétration et l’influence qu’il exerce à ce titre sur la vie de vastes contrés mérite spécialement l’attention. Si la concurrence de la route ne lui est pas indifférente, il a cependant conservé assez d’aisance dans son exploitation pour ne pas être acculé à des positions défensives annihilant les facultés d’initiative. Dominant encore les éléments de son trafic, il ne se borne pas à en enregistrer la composition et des fluctuations comme il en va généralement dans  les vieux pays d’Europe Occidentale. Il demeure d’ôter d’un pouvoir créateur agissant par là sur l’économie et le genre de vie.

Non sans effort, le D.N s’est ainsi adapté au besoin de son hinterland. Celui-ci est vaste et englobe trois territoires : Sénégal (moins la Casamans isolée par la Gambie britannique), Soudan, Mauritanie. L’ensemble représente une superficie de 2500000 km2 soit environ la moitié de celle de l’AOF et cinq fois celle de la France. Mais la population ne dépasse pas 5400000 habitants, soit en moyenne deux (02) habitants au km2.

Le développement du réseau atteint 1697 km (40000 pour la SNCF, 1400 pour le réseau Marocains). Si la relation Dakar-Koulikoro en est le tronc principal, des antennes non négligeables se greffent sur ce dernier : Thiès-Saint Louis avec embranchement sur Linguère, dessertes de Kaolack et de Touba. Plus importantes encore sont les liaisons assurées avec les autres voies de communication :

-          A Tambacounda se détache la rocade routière Sénégal-Guinée-Haute Casamance ;

-          A Bamako le bief sud du Niger permet d’atteindre saisonnièrement la Haute Guinée et  le Conakry-Niger ; il est d’ailleurs doublé d’une route ;

-          A l’Est la grande rocade intérieure Bamako-Bobo-Dioulasso-Ouagadougou-Niamey établit le contact avec la Haute Volta, le Niger et la Côte d’Ivoire par l’Abidjan-Niger. Carte

-          A l’Est-Nord-est, tout le Soudan Oriental est axé sur Dakar par le fleuve Niger et la route Bamako-Ségou-Mobti-Gao, continuée elle même par la piste Gao-Colomb-Béchar.

La mise en valeur du Sénégal et du Soudan a été liée en bonne part aux moyens d’évacuations offerts par le D.N. les zones desservies ayant une vocation essentiellement agricole c’est le rail qui a permis l’extension de la culture de l’arachide vers l’Est du Sénégal et l’exportation de la production agricole du Soudan. Les transformations de structures intervenues dans les modes de commercialisation et le développement du réseau routier autour de la région côtière ont pu entamer sa suprématie économique et modifier les données techniques du transport. Mais à l’inverse des besoins nouveaux dans le sens des importations au départ de Dakar se font jour, en relation avec l’équipement des territoires de l’intérieur. L’évolution d’ensemble du trafic durant les vingt dernières années montre après une chute due à la guerre, une progression sensible, plus sensible d’ailleurs en tonnes kilométrique qu’en tonnes simples (666000 en 1938, 698000 en 1950, 831000 en 1951). La distance de transport a en effet grandi, atteignant une moyenne d’environ 500 km depuis 1948 après avoir varié auparavant entre 250 et 350 km. Ceci traduit la diminution des transports d’arachides au Sénégal et l’augmentation du trafic de transit Sénégal-Soudan. Les produits transportés étaient de source diverse.

-          L’arachide : le Dakar-Niger est souvent connu sous le nom de « chemin de fer de l’arachide » : au Sénégal, les sols légère sablonneux ou silico-argileux ont f    voisé le développement de la monoculture, le cycle de l’arachide à pris une valeur quasi-institutionnelle.

-          le karité, ou arbre à beurre, a valu en 1951 au Dakar-Niger un trafic de près de 9000 tonne au départ du Soudan.

-          Les cultures vivrières les expéditions traditionnelles concernent : le mil du Sénégal et du Soudan, le maïs et le manioc du Sénégal, riz

-          Les plantes textiles et diverse : Sisal, Gomme arabique, coton

-          Produit de la forêt et de l’élevage : bois d’œuvre exploité en Casamans, et le bétail

-          Matière première : le fer, le cuivre d’Akjout en Mauritanie, le phosphate de Tessalit, le manganèse d’Ansongo au Soudan.

Certes, les mouvements alternés ne sont pas absents au sein de la gamme de trafic qui vient d’être esquissé. Les produits passés en revue ne circulent pas obligatoirement de l’intérieur vers Dakar ; on la vu pour l’arachide. Au terminus du D.N, Bamako est, de plus, un centre d’attraction non négligeable. Il n’empêche qu’en fonction de ces éléments d’activité traditionnels, le D.N comme toute les voies de pénétration évacue vers la côte plus qu’il ne livre depuis les ports.

 

2 -    La Région Benin-Niger (Guinée)

L’histoire des chemins de fer Bénin - Niger débuta probablement en 1893. C’est en effet par une lettre du Général Dodds, Commandant des troupes françaises au Dahomey, que l’on eut connaissance du projet de construction d’un chemin de fer au Bénin. Confronté à d’énormes problèmes de transport de ses troupes, le Général Dodds avait en effet, par une lettre en date du 14 Février 1893, demandé au Secrétariat d’Etat aux Colonies, d’implanter un chemin de fer sur le territoire. Les premières études se fixèrent des objectifs très ambitieux : la plupart des projets proposaient une ligne qui devait relier Cotonou au Sahel avec éventuellement le raccordement au chemin de fer trains-saharien qui avait déjà fait l’objet de nombreuses études. En fin de compte, le Gouvernement français n’adopta que le rapport du Commandant de Génie Guyon qui prévoyait la construction d’une ligne de Cotonou à Parakou, avec prolongement futur à Niamey si les conditions économiques le permettaient. Il s’agissait, souligne ce rapport, de desservir dans l’immédiat les régions productrices de palmier à huile et de favoriser le transport vers le Niger des principales denrées indispensables à la survie de la colonie française installée dans ce pays. Suite à l’adoption de ce rapport, le gouvernement reçut plusieurs demandes de concession en vue de l’exploitation de la future ligne. Celle de Mr George Borelli, homme d’affaires marseillais, fut acceptée. C’est ainsi que fut créée le 07 juin 1901, la Compagnie Française des Chemins de Fer du Dahomey (CFCD) qui se substitua à la concession Borelli et qui devrait assurer la construction et l’exploitation de la super structure, les travaux d’infrastructure ayant été confiés à un service des travaux de chemin de fer au Dahomey, crée par l’administration coloniale le 20 Mars 1900.Cette division du travail entre l’État et le capital privé permit une accélération des travaux. Dès 1902, le premier tronçon Cotonou - Attogon fut ouvert à l’exploitation et à la veille de la première guerre mondiale, l’on était déjà à Savé. A la veille de la seconde guerre mondiale, la ligne atteignait Parakou d’où elle ne devait plus bouger jusqu’à aujourd’hui. Quant à la compagnie chargée de son exploitation, la CFCD, elle signa avec le gouvernement général de l’AOF une convention qui lui accorda à partir d’Août1904, le droit d’exploitation de la ligne pour vingt-cinq (25) ans. Au terme de cette période, c'est-à-dire en Décembre 1930, la CFCD fut rachetée par la colonie pour devenir la régie Bénin-Niger, administrée par l’Administration Centrale des Régies Fédérales de chemin de fer de l’AOF, dont le siège était installé à Dakar au Sénégal. En 1959, à la veille de l’accession de la colonie du Dahomey à l’indépendance, et après l’éclatement des régies fédérales, le Bénin et le Niger décidèrent de continuer l’exploitation en commun du réseau de chemin de fer en créant l’Organisation Commune Dahomey- Niger (OCDN) devenue OCBN après le changement du nom Dahomey.

 

3 -    La  région Conakry-Niger (Guinée)

D'une importance moindre que le port de Conakry, « le Conakry-Niger » participe également à la vie économique du pays. Voie de pénétration dans l'intérieur, c'est une des voies de liaison avec la Haute-Guinée et le Soudan. La voie ferrée fut commencée en 1900. Le piquetage se fit au début du siècle. En 1904, le premier tronçon « Conakry-Kindia » était inauguré ; en 1910, il atteignait Kouroussa sur le Niger. Il a été construit rapidement dans un pays accidenté avec des voies de 1 m. D'un tracé difficile, il a des déclivités qui peuvent atteindre 25/1 000 et de courbes d'un rayon minimum de 120 km. A Conakry, l'emprise du chemin de fer, s'étend sur une vaste surface de 900 m. de long sur 200 m. de large avec, en plus, des lots pour l'administration et le logement du personnel européen.

En 1951, le chemin de fer Conakry-Niger est dans une période de transition, comme beaucoup d'autres services en Guinée. L'ancien matériel achève d'expirer ; le nouveau arrive, mais reste insuffisant. Pendant les années d'après-guerre il a assuré son service avec un matériel à bout de souffle et amorti depuis longtemps. En 1950, le matériel se composait, en début d'année, de 44 locomotives de route, 10 locomotives à vapeur, de 36 voitures à voyageurs et de 443 wagons de marchandises. Ce matériel, souvent usagé, exigeait des frais d'entretien et de réparation élevés.

En 1951, le C.F.C.N. reçut 4 autorails neufs ; 9 locomotives Mikado et 58 vieux wagons du Dakar-Niger. Pour 1912, on attend des locomotives Diesel qui doivent peu à peu remplacer le matériel usé.

Les statistiques laissent apparaître une hausse constante du trafic voyageur et marchandises depuis 1937. La liste des principales marchandises transportées à la descente (Kankan-Conakry) en 1951 est significative :

 

 

 

Description

Quantité (en tonnes)

Animaux

7.690

Denrées

581

Bananes

28.438

 

Plus de la moitié de la production bananière d'exportation arrive au port par chemin de fer. A partir de Mamou, les marchandises embarquées sont à peu près exclusivement des bananes ; 2.329 tonnes de café empruntent la voie ferrée ; de même près de 4.292 tonnes de riz et 11.607 tonnes de palmistes. Plus de la moitié de produits d'exportation descendent par le chemin de fer. Chaque produit circule sur une grande distance, ce qui permet une manutention plus réduite et une meilleure utilisation des wagons. La tonne est transportée sur 325/km en moyenne.

A la montée, le trafic est supérieur et atteint 97.799 tonnes en 1951, contre 64.097 en 1950, dont : Groupages  (3.115 t), Machines  (1.000 t), Ciment  (17.292 t), Outils (1.517 t), Boisson  (1.868 t), Essence (5.463 t), Pétrole (1.160 t), Sel (3.630 t), Transports en service (29.000 t). Dans le trafic voyageur, on constate aussi naissance d'un trafic de banlieue Conakry-Dixinn. Il y a environ 1000 allers et retours quotidiens entre Dixinn et Conakry.

Le chemin de fer Conakry-Niger est handicapé par une infrastructure vétuste. La voie unique ne lui permet pas de transports massifs et son coût de transport reste élevé. Dans l'immédiat on s'occupe surtout de renouveler le matériel.

 

4 -    La Région Abidjan-Niger (Côte d’Ivoire et Haute-Volta)

 L’histoire du chemin de fer Abidjan-Niger qui est également l’histoire de la main d’œuvre voltaïque, s’étend de 1904 à 1954 et magnifie le courage des travailleurs, leur esprit de sacrifice et la clairvoyance de certains chefs coutumiers grâce auxquels les travaux pourront être conduits à bien. Le paradoxe de l’Abidjan-Niger est d’être en porte-à-faux d’avec sa vocation première alors que tout destinait cet axe à jouer un rôle économique et social autrement plus important à cause de sa gestation difficile et des milliers de travailleurs qui y ont usé leurs forces ou laissé leur vie.                          

En effet, la construction d’un chemin de fer reliant la côte au bassin du Niger fut envisagée dès 1893 par le capitaine Marchand, mais ce sera en 1903 que le capitaine Crosson Duplessis aura pour mission d’étudier une ligne Abidjan-Ery Macouguie et de lever des itinéraires susceptibles de servir d’axe à un prolongement vers le Nord. Ainsi le premier coup de pioche de l’Abidjan-Niger est donné le 12 janvier 1904 par les troupes du génie.

En 1905, les rails atteignaient Azaguié (PK 41) et la section est aussitôt ouverte au trafic. Agboville, (PK 82) sera atteint en 1906 et Rubino (PK 101) en 1907. Il faut signaler que le nom Rubino donné à ce PK est celui d’un des ingénieurs du chantier assassiné sur ce site lors d’une révolte des autochtones. Le 20 septembre 1910, les rails arrivaient à Dimbokro (PK 183) et à Bouaké (PK 316) le 20 août 1912. A Bouaké, le chantier fut suspendu à cause de la guerre (1914-1918) et ne fut rouvert qu’en juin 1919. Le 9 janvier 1932 c’est au tour de Banfora (PK 699) de fêter le rail tandis que Pény (PK 757) voyait le chemin de fer pour la première fois en 1933 et Bobo-Dioulasso, PK (796) et terminus provisoire devenait la première gare importante de Haute-Volta en 1934. 

Tout au long de la construction du chemin de fer et particulièrement après la révolte qui aboutit à l’assassinat de Rubino en 1907, la main d’œuvre qui permit l’existence de l’Abidjan-Niger fut fournie par la Haute-Volta. Le plateau Mossi alors très peuplé et surtout organisé et discipliné sous la houlette de chefs locaux enverra les travailleurs par milliers sur les chantiers. Le Moro Naaba d’alors qui était le Naaba Koom comprit très vite l’importance du rail pour son pays et s’investit au mieux pour que les rails arrivent à Ouagadougou. En effet, à partir de Bobo-Dioulasso, le prolongement de la ligne fut d’abord envisagé vers Koutiala au Mali mais le Naaba Koom, se rendit à Abidjan et plaida pour un prolongement de la voie vers Ouagadougou car elle était l’œuvre des Voltaïques. C’est ainsi que les missions Jarres et Tande étudièrent le prolongement vers Ouagadougou. Le prolongement fut décidé en 1938 mais les travaux furent interrompus en 1941 à cause de la seconde guerre mondiale (1939-1945). Ils furent repris à la fin des hostilités et le rail put ainsi atteindre Koudougou (PK 1052) le 15 mai 1953 et Ouagadougou (PK 1145) le 23 octobre 1954.

Le chemin de fer a été exploité par l’administration jusqu’à ce que fût créée la Régie du chemin de fer Abidjan-Niger le 1er août 1954, organisme à caractère industriel et commercial qui exploite les voies ferrées installées en Côte d’Ivoire et en Haute-Volta.

 

                                      III -     LES REGIES ET LES CONDITIONS DE TRAVAIL SUR LES CHEMINS DE FER EN AOF

 

1 -    Les régies

 

a -    L’évolution au sein de la régie Fédérale

Les quatre régions : la région Dakar-Niger (Sénégal et Soudan), la région Conakry-Niger (Guinée), la région Abidjan-Niger (Côte d’Ivoire-Haute Volta), la région Bénin-Niger (Dahomey avec des prolongements au Niger), étaient gérées par une régie Fédérale des chemins de fer de l’AOF créée par un arrêté du ministre de la France d’Outre-mer du 17 Juillet 1946. Celle-ci se trouvait placer sous la dépendance direct d’un Régie Générale des chemins de fer « coloniaux » dont l’organistion était fixée par une loi d’une 28 Février 1944 et dont les siège était à Paris. La Régie Fédérale dont le siège se trouvait à Dakar, constituait un organisme à caractère industriel et commercial et était dotée de l’autonomie financière.

Théoriquement, l’Office Central de Paris, selon l’article 3 de la loi précitée du 1944 était chargée d’approuver les budgets et comptes annuelle des régies locales et de poursuivre la gestion des régies locales et d’en assurer la haute direction technique, commerciale et financière par voie de directive, d’instruction et d’inspection sur place .

Des mesures de régionalisation ont été adoptées. Depuis 1955, des comités consultatifs étaient institués auprès de chacune des quatre régions de la régie fédérale de l’AOF. L’évolution politique s’accélera à partir de 13 Mai 1958. Les participants et les adversaires de la fédération primaire de l’AOF s’opposèrent tout au long de l’été 1958. La tendance favorable à la création de liens directs entre les chefs de gouvernement des territoires et le gouvernement français au sein d’une communauté, défendue par M. Houphouët Boigny, l’emporta. Ayant rejeté le projet de constitution lors du référendum du 28 Septembre 1958, la Guinée fit sécession. Les autres territoires de l’ex-fédération de l’AAOF devinrent membres de la nouvelle communauté. Ainsi le Sénégal au terme d’une résolution du 25 Novembre 1958 de son assemblée territoriale, devint Etat membre de la communauté. En tout état de cause, il s’en suivait nécessairement que les services du haut commissariat à Dakar serait dissous ainsi que toutes les institutions communes fonctionnant dans le cadre de l’AOF. Tous ces événements provoqueront la dislocation de la régie fédérale des chemins de fer.

-          la succession à la régie fédérale

les chefs des gouvernements des Etats de l’ancienne AOF (Sénégal ; Soudan, Mauritanie, Côte d’Ivoire, Haute-Volta, Dahomey et Niger) , décidèrent que toutes les compétences correspondent aux services non communautaires seraient transférés aux Etats à la date du 01 Avril 1959 par un arrêté  3.106/I.G.A.A (Inspection Générale des Affaires Administratives) du 31 Mars 1959, la régie fédérale cessait d’exister à compter du 01 Avril 1959.

Il s’agissait donc de liquider le passé et de construire l’avenir : c’est-à-dire de concevoir de nouveaux rapports de coordination entre les établissements publics africains et qui deviendra l’Office Central des Chemins de Fer d’Outre-mer (O.F.E.R.O.M) réorganisé par un décret du 14 Novembre 1960.

Ainsi, les lignes de chemin de fer faisant partie  du domaine public conformément à la pratique internationale, l’Etat nouveau succéda à la république française et exerça ses droits à l’égard de la portion de la ligne qui était située sur son territoire. Les locaux de l’ancienne direction fédérale furent attribuées au réseau Dakar-Bamako à charge pour le gouvernement du Mali composé du Sénégal et du Soudan, d’accorder un dédommagement équitable aux autres réseaux.

Selon la décision n°12 de l’organisme de transfert et de liquidation, la répartition de la valeur des immeubles communs, des titres de participation, du solde des fonds disponibles (autres que les fonds déposés à l’Office Central) fut faite suivant le pourcentage :

~        Abidjan-Niger : 26,16%

~        Benin-Niger : 15,01%

~        Dakar-Niger : 58,83%

Ce pourcentage représentait la répartition de chacun des réseaux aux dépenses communes de 1947-1959 approuvée chaque année par le conseil d’administration de la régie.

Le problème de la succession aux dettes se posa. Les dettes contractées dans l’intérêt exclusif du pays annexé telle que les dettes contractées pour la construction… des chemins de fer. Le bon sens, l’équité concourent à mettre ces dettes à la charge de l’Etat annexant.  Mais qu’en serait-il de la gestion des régies après la liquidation de la régie fédérale ?

 

b -   Après la liquidation de la régie fédérale

Il restait à mettre sur pied de nouveau organes pour gérer les différentes régies. Deux techniques seront employées : celle de l’établissement public internationale et celle de l’établissement fédérale (dans le cadre de la fédération du Mali).

-          La régie fédérale du chemin de fer de Mali, fondée le 07 Janvier 1959 dont le Directeur Fédéral qui était un français dépendait du ministre fédéral des transports. Cette régie dura à peine plus d’un an car l’échec du coup d’Etat tenté par M.Modibo Keita (chef gouverneur fédéral) entrainait en Août 1960 l’éclatement de la fédération du Mali et le gouvernement Sénégalais le 20 août 1960  se servi du chemin de fer Dakar-Niger pour expulser le Président M.Modibo Keita.

-          Les établissements publics interétatiques : R.A.N et l’O.C.D.N : deux groupes de deux Etats (Dahomey-Niger et Côte  d’Ivoire-Haute-Volta) décidèrent d’exploiter en commun leur réseau ferré ou leur moyen de transport interétatique. En effet, soucieux de maintenir le fonctionnement de la région Conakry-Niger, les chefs du gouvernement de Dahomey et du Niger par un accord en date du 05 Juillet 1959 instituèrent un établissement public interétatique l’Organisation Commune Dahomey-Niger des chemins de fer et des transports (O.C.D.N). la Régie Abidjan-Niger (R.A.N), fut organisée par une convention passée entre le gouvernement de la Haute-Volta et celui de la Côte-d’Ivoire en date du 30 Avril 1960. Des quatre réseaux de l’ancienne régie  fédérale, la R.A.N est le seul organe qui fonctionne de manière satisfaisante et connaisse une exploitation bénéficiaire. De 1960-1963, elle a de plus transportée des marchandises en provenance des arachides et en destination du Mali. La progression du trafic enregistrée par la régie traduit l’essor rapide de l’économie ivoirienne.

 

2 -    Les conditions de travail

Les employés des chemins de fer étaient soumis à de dures conditions de travail. Cependant les européens et les africains, bien  qu’étant soumis au même taches n’avaient pas les mêmes traitements. En effet depuis 1946, les chemins de fer employaient 478 Européens, 1729 Africains dans les divers cadres et 15726 auxiliaires. Nombres de ces auxiliaires traités comme des travailleurs temporaires même après des années de services faisant le même travail que les membres des cadres sans avoir ni sécurité de l’emploi ni logement gratuit ou autres indemnités. Les travailleurs africains étaient confrontés aux licenciements arbitraires et sans préavis. Par exemple on comprend mal que malgré ce passif historique qui en fait d’office un outil social pour l’ensemble des Burkinabè, des repreneurs ayant résolument l’œil sur leur chiffre d’affaires jettent dans la rue des milliers de cheminots et fassent du rail une chose sans âme qui accroît la richesse des uns et la paupérisation des autres au nom du tout business

 

En outre, en raison des dures conditions auxquelles ils étaient soumis, certains cheminots mouraient sur les chantiers. Cela s’expliquait aussi par le fait qu’ils étaient exposés aux endémies telles que la fièvre jaune et la malaria ; parfois aux conditions climatiques pour les européens.

Ces conditions de travail susciteront des révoltes au sein des cheminots plus précisément chez les africains en raison de la discrimination qui y régnait.        

 

Conclusion

La quasi-totalité de l’infrastructure ferroviaire de l’Afrique de l’Ouest a été construite au début du 20ème siècle. Le transport ferroviaire est un grand pourvoyeur d’emplois et à cause de cela, joue un rôle économique important dans tous les pays où il a été construit. Sauf en Afrique de l’Ouest et plus précisément l’axe ferroviaire Abidjan-Niger (du fait des dures conditions de travail, partout ailleurs dans le monde), le chemin de fer a été à la fois un outil social et un puissant levier de développement jamais démenti depuis 1830. Cependant, presque toutes les voies sont aujourd’hui vétustes du fait de leur âge, du manque d’entretien et de l’inadaptation de la conception aux conditions d’une exploitation ferroviaire efficace et moderne : le ballastage des voies est généralement insuffisant, sur certains tronçons, les courbes sont trop nombreuses et de petits rayons, le travelage et le poids des rails sont également faibles parce que datant de l’époque où la charge moyenne à l’essieu ne dépassant guère 14 tonnes. C’est d’ailleurs un des défis que la CEDEAO dans le cadre de l’intégration sous régionale veille à relever.

 

BIBLIOGRAPHIE

 

ü  Frederick Cooper : le colonialisme en question, théorie, connaissance, histoire, éd Payot, pp426

ü  Suret Canale : Afrique Noire, l’ère coloniale 1900-1945, collection terrains, éd Sociales

ü  www.google.com : Gilbert Tixier ; la suucession à la régie de chemin de fer en AOF. Problème posé par l’apparition de nouveaux Etats.

ü  www.wikipedia.com

 



24/09/2012
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